Ibeyi est né à Paris il y a une poignée d’années dans la douceur d’un cocon familial très musical. Leur père, qu’elles ont perdu tôt, est Miguel « Angá » Diaz, un percussionniste cubain renommé. Leur mère – par ailleurs première fan et future manageuse – a aussi travaillé dans la musique, et appris à ses filles à ne jamais vivre sans. Elles ont toutes deux étudié la musique. Lisa chante et joue du piano. Naomi joue une percussion sud-américaine, le cajon (elle a commencé le lendemain de la mort de son père). Les deux sœurs, aussi jumelles que différentes, commencent à faire de la musique ensemble à l’adolescence, sans plan, sans ambition de carrière. Pour donner un sens à leurs vies. Pour renouer avec quelques esprits, ceux de leur père puis de leur sœur disparus, et ceux des origines, de la santeria cubaine avec laquelle elles ont grandi. Leur musique n’appartient qu’à elles, subtil nuancier de musique folk et soul teintée d’electronica, sous la protection d’Eleggua, la divinité vaudou gardienne des routes et des carrefours. C’est une musique des profondeurs, venue de l’intérieur, pour parler des (et aux) absents, et qui affleure pour danser à la lueur d’une bougie, avec les ombres.
A l’écoute de Away Away, le premier titre extrait du nouvel album d’Ibeyi, on entend tout de suite que quelque chose a changé. Du fond du morceau nous parviennent les hurlements de sirènes, comme la rumeur lointaine d’une grande ville agitée, entendue depuis le roof-top d’un gratte-ciel. Les sœurs Diaz chantent d’en haut, avec dans la (ou plutôt les) voix autant de langueur que d’allégresse. « Même pas peur », semblent dire Lisa et Naomi dans cette chanson mouvante et solaire, gonflée d’énergie par les aventures qu’elles viennent de vivre.