Originaire de Rennes, planqué sous bob, lunettes et moustaches, le rappeur Lorenzo est apparu sur YouTube en 2015 comme un pop-up : attitude white-trash, verve à la fois littéraire et ordurière et vidéos décalées, le lascar d’à peine 20 ans cassait internet en quelques secondes. Mais lorsqu’un pop-up atteint 170 millions de vues, fidélise des centaines de milliers de fans, grimpe sur la scène des festivals (Panoramas, Printemps de Bourges, Dour…) et enquille les concerts, c’est qu’il y a autre chose derrière.
Dont acte : rappeur, hâbleur, vantard, connard, à la fois artiste contemporain et rappeur underground, Lorenzo est cet improbable lascar venu des étoiles, capable de rentrer dans le lard du rap français avec un aplomb magistral. La vingtaine, une seule mixtape au compteur - la bien nommée L’Empereur Du Sale -, Lorenzo évoque à la fois Charles Bukowski et Slim Shady, les coups de latte en plus, le mauvais goût en coin. Cousincolocataire du duo Columbine (Enfants Terribles), membre du même crew rennais, il est l’iconoclaste du clan; onomatopées sanglantes, patois inédit et références bigarrées à l’appui.
Ethique potache mais rapping parfaitement dans les cordes, il est ainsi loin du simple comique qu’on pourrait voir en lui. Sa jactance hédoniste, volontiers méchante, drôle ou sinistre, offre un souffle rassurant à un rap français que l’humour et la distance ont déserté depuis longtemps au profit de récits super-héroïques à sens unique. On pourrait le rapprocher des Beastie Boys mais ils ne sont pas assez franchouillards ; d’Orelsan mais il n’est pas assez vilain. Mais il est inutile de chercher à creuser ce mystère Lorenzo qui boxe seul dans une catégorie qui n’existe pas, capable de fabriquer son propre disque d’or - en réalité un CD bêtement gravé - revendu à 75.000 € sur eBay avant de se faire éjecter de la plateforme. La raison ? Monsieur aime dessiner des bites sur ses pochettes de disque. Par contre, le YouTube d’Or que lui a décerné la plateforme, lui, n’était pas un faux. La sortie du single ‘Fume à fond’ en juin dernier, certifié platine en moins de deux mois n’a fait qu’enfoncer le clou.
Dérapage contrôlé sur un terrain vague de province, gueule de science-fiction en contreplongée et parler digne d’un Audiard qui aurait grandi au cul de la France : voici notre homme.